Dans une récente note, la DARES constate un nombre élevé de ruptures de contrat d’apprentissage. Elles résultent de la politique purement quantitative du gouvernement, comme l’attestent les conclusions du séminaire emploi du 12 novembre dernier où l’UNSA était présente.

La note de la DARES -publiée le 31 octobre- sur les jeunes entrés en apprentissage à la rentrée 2018 pointe les causes multifactorielles des ruptures de contrat. Elles concernent 36 % des jeunes au cours de la première année et demie d’apprentissage.

Les parcours empruntés par les intéressés ensuite sont divers. 11 % signent un autre contrat avec un nouvel employeur, 27 % reprennent une formation et 33 % sont en emploi dont 7 % dans l’entreprise où ils suivaient leur apprentissage. Ce dernier point pose question pour l’UNSA. Car l’apprenti privilégiant l’emploi ou y étant incité se trouve alors privé de sa formation, pénalisant ainsi la sécurisation de son parcours professionnel.

Les causes de ces ruptures caractérisent en creux les revendications exprimées par l’UNSA avec l’accompagnement et les conditions de travail comme clés de voûte.

En effet, l’accompagnement est décisif pour garantir une égalité entre les apprentis, sachant le nombre de ruptures plus élevé pour les premiers niveaux de qualification [1]. Par ailleurs, la DARES souligne le poids prépondérant de l’origine sociale dans le taux de ruptures en raison de son impact sur les ressources matérielles et relationnelles (réseau, capacité à intervenir auprès des employeurs…). Un élément à mettre en parallèle avec le fait que la plus-value de l’apprentissage pour les certificats d’aptitude professionnelle (CAP) et Brevet d’études professionnelles (BEP) ne vaut que si l’apprenti demeure dans l’entreprise où il a effectué son apprentissage [2] . Elle est quasi inexistante pour les étudiants du supérieur.

En outre, les freins périphériques (logement, santé et surtout mobilité) pèsent dans la décision de 18 % des apprentis en rupture. Les jeunes soumis à une durée de transport trop importante ont ainsi 44 % de plus de risques de rompre leur contrat.

Par ailleurs, c’est dans les PME-TPE, là où le suivi est plus difficile, que le taux de rupture s’accroit : 43 % dans les entreprises de moins de 5 salariés contre 19 % dans celles de 250 salariés ou plus.

L’impact des conditions de travail et des relations avec l’employeur

Certains secteurs marqués par des conditions de travail plus contraignantes (pénibilité, horaires atypiques) comme l’hébergement-restauration, l’industrie agro-alimentaire ou la coiffure-beauté sont sans surprise les plus touchés, avec respectivement de 55 % à 44 % de taux de rupture.

Plus globalement, des relations dégradées avec l’employeur, une mauvaise ambiance de travail, un suivi défaillant, une inadaptation des missions ou encore des heures supplémentaires non payées pèsent pour 65 % dans les motifs de rupture.

A l’inverse, la perspective de meilleures conditions d’apprentissage motive la signature d’un nouveau contrat (6 % des jeunes entrés initialement en apprentissage font cette démarche).

Enfin, plus la recherche du contrat a été difficile avec le risque d’avoir postulé dans une entreprise par défaut, plus la fréquence de ruptures est importante. Parmi les apprentis mettant fin à leur contrat, 25 % citent comme cause le désintérêt pour le métier exercé.

Améliorer l’accompagnement et la prévention

Pour l’UNSA, l’étude confirme l’importance de favoriser un environnement de travail propice à la formation et à l’épanouissement pour l’apprenti, La qualité de l’accompagnement est essentielle, que ce soit par le CFA ou par l’entreprise (importance du choix du tuteur, de sa formation).

L’orientation en amont et en aval, la préparation à l’apprentissage, le travail sur les codes restent des préalables pour la réussite des parcours.

Les CFA doivent en effet améliorer leur prestation afin de prévenir la rupture : accompagner les postulants avant la signature du contrat, sensibiliser les maîtres d’apprentissage, assurer un suivi de terrain plus étroit… Il est paradoxal que 81 % des jeunes ayant rompu leur contrat ont quitté leur centre de formation immédiatement après, alors même que la loi leur permet d’y rester 6 mois pour rebondir.

Ce besoin d‘accompagnement et de prévention est d’autant plus prégnant avec l’objectif d’1 million d’apprentis voulu par le gouvernement, lequel a entrainé une massification du nombre de CFA et la création d’un marché subventionné par la dépense publique. Cette évolution est incriminée par la Cour des comptes qui relève le manque de discernement de la dépense publique, qui ne parvient pas à cibler les populations les plus éloignées de l’emploi. Par ailleurs, on observe une diminution de la rétention dans les entreprises de formation car les subventions publiques ne sont généralement attribuées que sur 1 an [3].

La conséquence est sans appel : aujourd’hui, 1 apprenti sur 5 est au chômage en sortant de son apprentissage.

Ainsi, les pouvoirs publics doivent traiter en urgence ces questions en lien avec tous les acteurs concernés : entreprises, OPCO, CFA, acteurs de l’orientation… Sans oublier les organisations syndicales.

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[1] 42% en CAP contre 27% à bac +2

[2] Intervention de Pierre Cahuc lors du séminaire sur les politiques de l’emploi le 12 novembre 2024

[3] Intervention de Pierre Cahuc lors du séminaire sur les politiques de l’emploi le 12 novembre 2024