NewsLetter 

schéma mixons nos énergies

Septembre 2022 

Les carnets du râleur

Le râleur a très peu apprécié l’attitude de ceux, en particulier de très hauts responsables qui, après avoir fustigé le mouvement syndical avec virulence, revendiquent de bénéficier des avancées obtenues.

Alors qu’une solide majorité de salariés a exprimé ses attentes en matière salariale, la mobilisation est restée limitée et a débouché jusqu’ici sur un demi-succès.

Plus encore : certains collègues réagissent mal aux inévitables désagréments liés au mouvement social et nous ont exprimé leur rejet.

C’est pourtant cette mobilisation qui a permis d’obtenir les premières avancées, et son renouvellement qui permettra de faire encore progresser nos revendications face à la Direction qui, aujourd’hui, a les moyens de « parler fort » et de nous tordre le bras.

La réalité et la com : deux mondes qui ne se comprennent décidemment pas

Tout d’abord, quelques chiffres :

  • Lors de l’enquête Technologia, 63% des salariés ont estimé que la reconnaissance salariale était insuffisante au CEA ;
  • La pétition en ligne a été signée par 30% des salariés, qui ont ainsi formalisé leur attente salariale, et
  • Seulement 12% se sont déclarés grévistes.

L’écart entre la « majorité silencieuse » et la minorité qui s’est mobilisée explique celui entre les attentes existantes en matière salariale et les résultats obtenus jusqu’ici.

Bien entendu, c’est le dernier chiffre dont s’est prévalu l’Administrateur général pour minimiser l’ampleur des attentes salariales et, symétriquement, c’est ce même chiffre (12%) que nous déplorons aujourd’hui.

Commençons par un peu de simplisme !

Si nous étions simplistes, nous pourrions dire que les 12% de grévistes ont obtenu …. L’équivalent de 12 % des revendications que nous avions posé au travers de notre cahier de revendication. Nous pourrions même suggérer que chacun des salariés qui s’est mobilisé a obtenu sa part des revendications.

Autre réflexion : nous avons été environ 30 % de signataires de la pétition, 5 493 salariés sur les plus de 20 000 salariés en comptabilisant thésards, apprentis, post-docs, CDD, etc…

Là encore, nous pourrions dire que chaque pétitionnaire a obtenu les 60 points que nous revendiquons pour répondre aux 12 années de disette salariale.

Bien sûr, tous les salariés bénéficieront des mesures

En France, les accords bénéficient à TOUS les salariés*.

C’est une bonne nouvelle pour les 63% de salariés qui, lors de l’enquête Technologia, se sont estimés insuffisamment rémunérés.

Une partie d’entre eux, « majorité silencieuse », doit cependant être consciente que c’est la mobilisation sous toutes ses formes (mouvement social, actions auprès des politiques…) qui débouche sur des avancées, et que celles-ci sont d’autant plus importantes le mouvement est puissant.

Il ne suffit pas d’attendre « des autres » qu’ils s’investissent dans les mobilisations : lorsque nous vous demandons de nous soutenir et de montrer votre solidarité avec un mouvement, ce n’est pas pour faire grève ni pour le (supposé) plaisir de « brûler des pneus » (ou, pour faire encore plus caricatural, des merguez avec un « kit de rouge »**) …

C’est parce que le modèle syndical français nécessite, pour instaurer un vrai dialogue social, que les Organisations syndicales, quelles qu’elles soient, soient réellement représentatives des salariés.

Les Organisations syndicales sont là pour négocier les accords qui bénéficient à tous les salariés et, si ces salariés ne sont pas présents pour peser du bon côté de la table, la Direction utilise la faiblesse des mouvements pour justifier de positions virulentes :

  • « vous êtes des enfants gâtés »
  • « si vous n’êtes pas contents, vous n’avez qu’à aller voir ailleurs »
  • « ce n’est pas parce qu’on réunit quarante personnes dans une salle à Saclay qu’on mobilise les salariés » (accompagné d’un grand éclat de rire).

Soyons clairs : il est assez énervant de croiser des hauts responsables qui ont violemment « cassé du sucre » sur le dos des grévistes et des syndicats mais qui se réjouissent aujourd’hui de profiter de ce qu’ils ont obtenu.

*dans d’autres pays européens, les accords peuvent dans certains cas bénéficier uniquement aux salariés appartenant à un syndicat signataire

**de la grenadine, bien sûr… à consommer avec modération

La faiblesse des mobilisations : une véritable bombe à retardement

Aujourd’hui, ce qui fait pression sur la Direction, ce n’est même plus les salariés en place, mais l’effondrement de notre attractivité, c’est-à-dire les salariés qui ne s’intéressent plus au CEA et n’envisagent pas d’y être embauchés.

Est-ce une bonne nouvelle ?

Non ! Ni pour nous, ni pour la Direction, car c’est notre organisme et, in fine, la pérennité de nos emplois qui est menacée. Jamais nous ne nous réjouirons des difficultés de notre organisme qui se répercutent toujours, sous une forme ou une autre, dans notre vie professionnelle quotidienne.

La Direction a tiré les conséquences de la situation et a revalorisé les salaires d’embauche (pour répondre à la pression qu’elle avait de ce côté), en « omettant » de revaloriser ceux du personnel en place, lorsque celui-ci ne se mobilise pas suffisamment.

Elle commence à « lâcher du lest » lorsqu’une partie d’entre nous, excédée par la situation, s’organise enfin pour revendiquer ; à quand une mobilisation véritablement large qui nous permettra d’obtenir la juste reconnaissance de notre engagement et, au-delà, de préserver le fonctionnement de notre organisme ?

Enfants gâtés ? Vraiment ?

Comment peut-on dire cela lorsque la « meilleure proposition » de la direction va se traduire par une baisse de pouvoir d’achat de 3 % ?

L’assouplissement du cadrage en RMPP qui s’applique au CEA (3,1%, puisque 1,9% ont déjà été consommé par les augmentations individuelles 2022) ne couvre pas l’inflation de cette année, d’autant qu’une partie était attribuée pour faire face à celle de l’an dernier.

Cette proposition sanctionne même, en euros constants, une baisse de salaire générale de l’ordre de 3 % à fin juillet, mouvement qui va encore s’amplifier sur le second semestre. Le CEA a implicitement acté ce constat car dans le budget prévisionnel plusieurs points sont dans l’incertitude car liés aux coûts des énergies et des cours mondiaux des matières premières.

Ce recul du pouvoir d’achat, par ailleurs général à l’ensemble des salariés de contrat privé, n’est pas une « vue de l’esprit » portée par des syndicalistes en mal d’effet de manche : c’est une analyse partagée par des organismes gouvernementaux tels que la DARES1.

Celle-ci note, dans son rapport que, « L’indice du salaire mensuel de base (SMB) de l’ensemble des salariés progresse de 1,0 % au cours du 2e trimestre 2022 (tableau 2).

Sur un an, il augmente de 3,0 % après + 2,3 % le trimestre précédent. Ces évolutions [NDLR : des salaires du privé] doivent être mises en regard de l’inflation : les prix à la consommation (pour l’ensemble des ménages et hors tabac) augmentent de 6,0 % entre fin juin 2021 et fin juin 2022. Sur un an et en euros constants, le SHBOE diminue donc de 2,5 % et le SMB2 de 3,0 %. ».

On nous énonce donc, sans sourciller, la nouvelle réalité : perte de pouvoir d’achat de 3%

Aujourd’hui, nous considérons ne pas avoir obtenu satisfaction en termes de reconnaissance du cahier revendicatif sur les rémunérations. Ce que la Direction nous demande de négocier fin août, c’est juste une mesure limitant l’impact de l’envolée des prix.

Pire : la Direction attend de nous que nous prenions la responsabilité de répartir la perte de pouvoir d’achat ! Cela relève d’un certain culot de sa part.

1 La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) est la direction du ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion qui produit des analyses, des études et des statistiques sur les thèmes du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

L’UNSA SPAEN participe aux négociations pour éviter le pire

Nous sommes conscients des attentes de l’ensemble des salariés et de la souffrance des bas salaires dans la France d’aujourd’hui ; nous devons donc –en responsabilité- nous rendre aux négociations.

En effet, personne ne comprendrait que les organisations syndicales précipitent, par leur refus de négocier, la résiliation de propositions qui peuvent permettre de limiter la baisse de notre niveau de vie … Car la Direction a été claire : si les organisations syndicales refusent de négocier, toute proposition sera purement et simplement annulée. Or, et contrairement à une communication licencieuse, les organisations syndicales n’ont jamais refusé de négocier même s’il leur arrive de refuser de signer les propositions de la Direction.

Alors, oui, l’UNSA SPAEN avait refusé de parapher la proposition de l’automne 2021 de revaloriser les salaires d’embauche sans mouvement équivalent pour les salariés en place : nous ne savions que trop bien qu’elle mettrai le feu au poudre.

Veut-on nous faire payer aujourd’hui notre clairvoyance d’alors ? Est-ce cela qui justifie qu’on tente de nous « faire porter le chapeau » du recul du niveau de vie de nos collègues ?

Nous ne refusons pas de négocier, nous faisons simplement le constat que le compte n’y est pas.

Ne nous trompons pas de terme : il s’agit d’un véritable chantage, particulièrement détestable.

Qu’on se le dise : nous sommes des représentants du personnel, nous ne sommes pas les « petits télégraphistes de Bercy ».