NewsLetter
Septembre 2024
L’intendance suivra…
Quand je suis arrivée au CEA, il y a fort longtemps, il y avait parmi mes collègues des secrétaires, des chaudronniers, des magasiniers, des préparateurs… Je me souviens de Pierre, magasiner du bâtiment où je travaillais, gardien de cette caverne d’Ali Baba. Pas besoin de passer une commande à l’extérieur pour remplacer l’équipement qui venait de rendre l’âme pour faire sa manip, il suffisait d’aller le voir pour repartir heureux.
Tous ces métiers facilitaient le travail des ingénieurs et techniciens pour la réalisation des projets. En bref, l’intendance. Combien de salariés venaient en soutien des autres, difficile à dire, surtout que je ne m’en souciais pas à l’époque.
Dans l’armée, on appelle cela le ratio dent à queue. Il désigne la quantité de personnel militaire nécessaire pour soutenir (“queue”) un soldat de combat (“dent”). On estime aujourd’hui que l’armée américaine a un ratio de 1 à 4. Il était plus élevé dans le passé. C’est donc une logique vitale.
Aujourd’hui, bon nombre de ces métiers, souvent hyper techniques, ont disparu au CEA. Plus de chaudronniers, plus de magasiniers, plus de préparateurs de manips. Dans de nombreuses unités, ingénieurs et techniciens jonglent désormais avec les tâches administratives : frappe et mise en forme des rapports, commande de matériel, réunions et reporting incessants … Un fardeau qui s’ajoute au reste du travail, sans que celui-ci diminue pour autant et les éloigne du cœur de leur métier. Si l’on greffe à cela les recherches incessantes de financements sur de nombreux projets, le travail de l’ingénieur et du technicien de 2024 n’a plus rien à voir avec le travail qui était réalisé il y a 20 ou 30 ans. Il est normal qu’au fil du temps le travail évolue… encore faudrait-il que ce soit dans le bon sens pour les salariés.
A l’heure des avancées technologiques, les métiers ont changé, certes, mais les bases techniques non. Comment ne pas s’étonner que tant de collègues soient à bout de souffle aujourd’hui ? Les tâches s’empilent, sans en enlever. Pire : dans l’estimation de votre taux de charge, certaines tâches ne sont mêmes pas comptabilisées car considérées comme minimes « Oh ça va, ça ne te prend que 5mn ! » Oui mais 5mn + 5mn + 5mn… à la fin, rapporté sur une journée de 8h, ça pèse !!
On a cru que l’informatique allait alléger le travail, et ça n’a pas été le cas bien souvent. Pour certains il l’a alourdi dans certains cas et parfois le pénalise. On a tous connu le truc qui « beug » au dernier moment et le fameux « c’est la faute de l’informatique ». Et en cas de problème informatique : « Ne quittez pas, vous allez être mis en relation avec votre infogérant »…
L’intendance ne peut suivre que si elle a des effectifs suffisants et qu’elle n’est pas assurée par ceux qui font le travail. On pourrait dire que l’intendance ne peut suivre que si elle est suffisamment armée et assurée par ceux qui connaissent le terrain. Imaginez un soldat à qui on demanderait d’aller chercher les munitions, les portions de ration… La défaite serait assurée !
Plafond d’emploi, contraintes budgétaires, missions toujours plus nombreuses… nous ont privés de notre intendance à portée de main, pour la diluer entre les salariés, les prestataires et la sous-traitance. On a réduit les effectifs (surtout de soutien), on a donc réduit les coûts (de main d’œuvre), mais au final s’il n’y a plus de fluidité dans le travail, qu’avons-nous réellement gagné ??
Aujourd’hui où est cette brique réapprovisionnement, magasin, intendance dans nos projets ?
Peut-on vraiment continuer ainsi ?