NewsLetter
Septembre 2024
La semaine de 4 jours entre mythe et réalité
L’ensemble des mutations, qu’elles soient économiques, sociétales ou technologiques nous engage à réfléchir à l’évolution du monde du travail. Ce mois-ci, l’UNSA SPAEN axe ses réflexions sur la semaine de 4 jours : Est-elle idéalisée et adaptée aux salariés du CEA ?
Cette organisation sur le papier semble séduire de nombreux actifs. Notre responsabilité en tant que représentant du personnel est de proposer à l’entreprise, suivant les attentes des salariés, tout en analysant les conséquences pour chacun et notamment sur la santé au travail.
Contexte
De plus en plus d’entreprises privées comme publiques adoptent la semaine de 4 jours dans notre pays, sujet relayé et mis sur le devant de la scène par les médias et le monde politique. Toutefois, c’est encore un phénomène marginal en 2023. En effet, la semaine de 4 jours n’était pratiquée que par 3,4 % des entreprises en 2023. À l’inverse des autres dispositifs, elle est plus utilisée dans les petites entreprises : 3,7 % des 10-49 salariés et 3 % des 50-99 salariés contre 1,3 % des 100-199 salariés et 1,9 % dans les entreprises de plus de 200 salariés.
Trois facteurs d’émergences :
- Sociaux: Le sens au travail : les salariés ont des attentes de plus en plus fortes en terme d’équilibre entre vie professionnelle/vie personnelle. L’attractivité et les recrutements sont actuellement une vraie problématique des différentes structures.
- Économiques: L’inflation et l’explosion du coût de l’énergie amènent les entreprises à trouver de nouvelles alternatives. Imposer une fermeture collective hebdomadaire permet de faire de nombreuses économies (chauffage, électricité, fluide, transport, …).
- Environnementaux : Les préoccupations environnementales sont prépondérantes et les entreprises sont encouragées à développer des pratiques écologiques en réduisant les émissions carbonées, dont les objectifs sont fixés légalement.
Un point de vigilance : Si effectivement la semaine de 4j peut améliorer l’empreinte carbone de l’Entreprise, vos élus UNSA SPAEN s’interrogent sur l’empreinte carbone « globale ». En effet, il est évident que l’empreinte carbone « entreprise » d’un salarié qui ne vient pas au travail est = 0… Mais ce salarié sur cette journée non-travaillée aura malgré tout une empreinte carbone « personnelle ». Donc vis-à-vis des enjeux environnementaux « globaux », le système serait gagnant à la seule condition que l’empreinte carbone personnelle soit inférieure à celle qu’aurait ce salarié s’il venait au travail… ».
Et en Europe, on en pense quoi ?
De juin à décembre 2022, en Angleterre, une soixantaine d’entreprises ont participé à un test de la semaine de 4 jours. Organisé par la campagne « 4 Day Week Global », les employés ont travaillé 20 % d’heures en moins, mais ont conservé les mêmes objectifs de travail et 100 % de leur paie. Résultats : 100 % des patrons ont estimé que la mesure a eu un impact « positif » ou « très positif » sur leur entreprise.
La semaine de 4 jours définitivement en place pour 51 % des entreprises anglaises.
https://lareleveetlapeste.fr/semaine-de-4-jours-100-des-patrons-satisfaits-au-royaume-uni/
Mais au fait, la semaine des 4 jours, c’est quoi ?
Comme son nom l’indique, la semaine de 4 jours est établie par un contrat de travail qui consiste à travailler 4 jours dans la semaine et cela en fonction de la durée du temps de travail effectif annuel de l’entreprise. À la différence du système actuel, mis en place par la quasi-totalité des entreprises françaises, qui consiste à travailler 5 jours par semaine.
La semaine est donc ventilée de la sorte : 4 jours de travail et 3 jours de repos. Avec ce système, l’entreprise mise sur le fait que la qualité vaut mieux que le nombre de jours de présence sur site. D’ailleurs, pour le CEA, cela n’est pas une nouveauté, car la semaine de 4 jours existe déjà. En effet, c’est une option du temps partiel, dont la durée effective du temps de travail est de 31h51 par semaine, payée 32h. Cela n’est qu’un exemple, mais ce sera à la négociation de définir les nouvelles modalités de rémunération.
Et comment articuler tout cela pour trouver un intérêt collectif ?
La semaine des 4 jours peut être mise en place de plusieurs manières différentes dans l’entreprise :
- Soit par la réduction du temps de travail hebdomadaire.
- Soit par le maintien du temps de travail hebdomadaire avec un allongement du temps de travail quotidien : maintien de la rémunération.
Avec l’option 1, les enjeux vont être concentrés sur le maintien ou non de la rémunération actuelle ainsi que les JRTT définis par l’accord du 29 février 2000 (le temps de travail annuel effectif est de 1603 h avec 24 JRTT, dont 1 JRRT pris au titre de la journée de solidarité).
Avec l’option 2, on augmente le nombre d’heures de travail chaque jour. Cela posera le problème de la santé au travail et de certaines activités qui devront respecter la législation.
L’UNSA SPAEN vous rappelle la loi : la durée maximale quotidienne de travail qui est de 10 heures ainsi que les durées maximales hebdomadaires qui sont de 46 heures sur une même semaine ou 42 heures par semaine en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives, sans oublier 11h de repos obligatoire entre 2 journée de travail.)
Bien entendu, le temps partiel, comme le temps scolaire devront être redéfinis au plus juste pour ne léser personne.
Le passage à la semaine de 4 jours demande de revoir son organisation personnelle de travail pour plus d’efficacité. La productivité devrait s’en trouver renforcée.
Avis de l’UNSA SPAEN : on voit très bien qu’en ces périodes où depuis 15 ans, nous n’avons plus d’augmentation générale, une négociation sur la semaine de 4 jours payée 5 équivaudrait à une augmentation puisque notre salaire horaire augmenterait, et cela sans toucher à la RMPP qui est un argument bloquant important que DRHRS nous oppose lors des NAO.
Les effets constatés sur les entreprises déjà passées à la semaine de 4 jours
- Energie au travail, l’amélioration du bien-être au travail semble être le premier argument « avantage » pour les salariés. Avec 4 jours de travail et 3 jours de repos pour déconnecter, la semaine de 4 jours pourrait permettre un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle. Après une déconnexion de 3 jours, les salariés reviennent dans l’entreprise reposés et avec une meilleure énergie.
- Productivité, l’un des plus gros avantages « attendu » de la semaine de quatre jours est une meilleure productivité des salariés. Les salariés sont plus concentrés sur ce qu’il faut, de fait leur productivité augmente.
- Logistique : la mise en place d’une semaine réduite ajoute une certaine complexité administrative et managériale, notamment si les salariés ne sont pas absents le même jour. Les absences doivent être planifiées et peuvent relever du casse-tête en cas d’imprévu. Les absences de dernières minutes de membres de l’équipe sont un défi pour la répartition du travail sur un nombre réduit de jours.
Avis de l’UNSA SPAEN : pour éviter cela, la solution la plus simple serait sans doute de définir une journée neutralisée identique pour l’ensemble des salariés.
- Charge de travail : Si la semaine de 4 jours est acceptée avec le maintien sur le même temps de travail hebdomadaire, la charge de travail ne diminue pas. Il faut donc réussir à s’organiser et à anticiper beaucoup plus. L’organisation du travail devra anticiper le moindre aléa pour ne pas créer de surcharge de travail
- Temps de travail : lorsque l’entreprise réduit simplement le nombre de jours travaillés mais non les heures : les salariés voient leur journée de travail rallongée. Ils peuvent être plus susceptibles de craquer lorsque du temps supplémentaire est ajouté à leur journée de travail, ou sur le long terme.
Avis de l’UNSA SPAEN : Le temps de travail effectif journalier devra rentrer dans les échanges de la négociation.
- Perte de l’expertise dans un domaine: La semaine de 4 jours est parfois vue comme un gain au niveau de la polyvalence des salariés pour pallier à l’organisation de l’entreprise afin d’être opérationnels et formés sur plus de tâches. Attention, celle-ci n’est pas forcément un avantage…. Par exemple, lorsqu’on doit pallier aux absences des salariés. Si l’organisation choisie n’a par exemple, pas le même jour, d’autres salariés doivent prendre le relais, on finit par savoir tout faire et ne savoir rien faire.
Avis de l’UNSA SPAEN : Les métiers de la recherche, caractéristique au CEA seront particulièrement touchés. Pour le contrer, une augmentation des embauches de salariés dédiés devra être envisagée.
Est-ce à dire que la semaine de 4 jours ne profiterait qu’aux salariés organisés ?
Qu’en dîtes-vous ?
La contrepartie du temps libre « offert » en vaut-elle la peine ?
Au cours des prochains mois, nous aurons à discuter de l’avenir du travail au CEA. En 2023, l’UNSA SPAEN a fait une enquête «intitulée « 1 semaine, 1 idée » et le retour des salariés nous confortent dans l’intérêt qu’ils portent sur la semaine de 4 jours. Pour autant, il nous semblerait utile et nécessaire que la direction du CEA en fasse de même en lançant une enquête sociale sur cette thématique que l’on suppose compliquée en vue d’une ouverture de négociation.
Voici quelques réflexions que l’UNSA SPAEN vous propose et que nous devrions tous nous poser en amont d’un quelconque changement de rythme de travail
- Sans diminution de temps de travail, serons-nous capables sur le long terme d’affronter des journées de travail de 10H sur une année complète ?
- Quels sont les impacts de commencer plus tôt ou finir plus tard sur notre organisme ?
- En France, les familles monoparentales sont nombreuses, comment conjuguer la vie de famille et la vie professionnelle ?
- Incidence sur les programmes et processus de fabrication dans les centres CEA. Quels sont les impacts sur les méthodes de travail des salariés (charge de travail, charge, dangers pyrotechniques, expositions aux matières…)
- Impact sur nos partenaires et sur nos prestataires (sociétés de nettoyage, de restauration d’entreprise …)
Ces transformations doivent faire l’objet d’un diagnostic précis, partagé et d’expérimentation, avant tout déploiement à grande échelle. A l’instar des accords signés, elles doivent se faire sur la base du volontariat avec un retour en arrière possible.