Protocole préélectoral et représentation équilibrée hommes/femmes…
Par cet arrêt en date du 8 janvier 2025, la Cour de cassation se prononce sur la représentation équilibrée entre les hommes et les femmes lors des élections au Comité Social et Economique, et son intégration dans le protocole d’accord préélectoral.

JURISPRUDENCE SOCIALE DE LA COUR DE CASSATION : ALTERNANCE FEMMES – HOMMES SUR LES LISTES ÉLECTORALES

A propos de l’arrêt de la Cour de cassation du 8 janvier 2025 n° 24-11.781. Ci-joint

° DÉCISION DU JUGE : « un protocole préélectoral ne peut imposer aux organisations syndicales un ordre d’alternance (…) Pour débouter le syndicat UNSA transport de sa demande de déclarer Mme [J] élue au 3e collège au 1er tour des élections du 12 octobre 2023, le jugement retient que la liste déposée ne respecte pas les dispositions fixées par le protocole quant à l’ordre d’alternance dans ce collège. »

° FAITS

L’élection des membres du comité social et économique d’une entreprise a eu lieu pour son premier tour le 12 octobre 2023, selon un protocole préélectoral en date du 14 septembre 2023, qui précisait à propos de l’article 7 « dépôt des listes des candidats », l’ordre d’alternance entre les hommes et les femmes.

A la suite de l’élection, le syndicat UNSA transport a saisi le tribunal judiciaire de Saint Denis de la Réunion, car il soutient qu’au vu du résultat des élections du 3e collège, le syndicat CFE-CGC ne pouvait se voir attribuer qu’un siège et non deux. De fait, pour le syndicat, un siège doit lui revenir, d’où cette demande au tribunal, ainsi que celle en rectification du procès-verbal des élections.

° PROCEDURE

Le tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion dans son jugement du 2 février 2024 a rejeté la demande du syndicat UNSA Transport, en jugeant que la liste déposée « ne respecte pas les dispositions du protocole d’accord précitées en ce qu’elle ne respecte pas les modalités fixées pour l’alternance, à savoir, dans ce collège, l’alternance H-F-H ».

Le syndicat UNSA Transport a donc saisi la Cour de cassation car selon lui, l’article L. 2314-30 du Code du travail qui est d’ordre public, impose une alternance stricte entre les sexes sur les listes électorales, mais ne précise pas l’ordre exact de cette alternance. Donc le protocole ne peut le faire, et la liste déposée par l’UNSA respecte la loi et ne pouvait pas être rejetée.

A noter qu’une erreur matérielle a entrainé, en outre, le fait que le syndicat UNSA est dénommé « UNSA Réunion eaux des personnels des métiers de l’eau et d’assainissement de La Réunion » au lieu de « UNSA transport » dans le jugement.

La question qui se pose avant tout dans ce cas est de savoir si un protocole d’accord préélectoral peut fixer l’ordre d’alternance entre les sexes pour un collège ?

° ECLAIRAGES

Pour la Cour de cassation, il est certain que les règles de composition des listes électorales sont fixées par le Code du travail, qui prévoit une alternance des sexes jusqu’à épuisement des candidats d’un sexe, et que ce texte est d’ordre public. Donc le protocole préélectoral ne peut pas y déroger en imposant un ordre d’alternance précis. Ainsi, le tribunal judiciaire a commis une erreur en rejetant la demande de l’UNSA Transport, et son jugement a été cassé et annulé.

° FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA DÉCISION ?

Pour rendre cet arrêt, la Cour de cassation a surtout invoqué un texte, l’article L. 2314-30 du Code du travail qui prévoit que « pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l’article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale.
Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes. […] Le présent article s’applique à la liste des membres titulaires du comité social et économique et à la liste de ses membres suppléants ».

° DROIT EN ACTIONS
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Cet arrêt s’inscrit dans la lignée d’autres arrêts de la Cour de cassation, par exemple celui selon lequel « les dispositions de l’article L. 2314-30 du code du travail étant d’ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger » (Cass. soc, 11 décembre 2019 n°19-10.826), ou encore « la règle de l’alternance posée par l’article L. 2314-30 du code du travail n’impose pas que le premier candidat de la liste soit du sexe majoritaire, hors le cas visé au 6e alinéa dudit article » (Cass. soc, 27 mai 2020 n° 19-60.147). En clair, les conditions sont suffisamment strictes, pour avoir à ajouter encore plus de contraintes sur la construction des listes.

Louis BERVICK, juriste en droit social, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

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